La vie fossile Hommage à Fernand Deligny

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  • Catherine Perret

Resumo

Tiré de la terre, le fossile évoque aux oreilles des sujets historiques
que nous sommes les restes ou les débris d’organismes disparu, et
sédimentés, depuis longtemps morts. C’est le témoignage de ce qui
n’est plus. Dans Par où commence le corps humain, Pierre Fédida renverse
ce point de vue dans une belle méditation, inspirée de Freud et
de Warburg, sur la forme comme fossile. Plutôt que le reste du squelette
tombé en poussière, il voit dans le fossile l’empreinte, la prégnance
de la trace, et, demeuré là, vivant, conservé par le miracle de
la forme, le corps du primitif en mouvement. « Les traces écrites/dessinées
de la forme vivante, écrit-il, appartiennent à ce temps pétrifié
du fossile. C’est le fossile qui détient inanimé le vivant conservé. » Et
plus loin : « le fossile – qui est ainsi capable de conserver le vivant à
l’état inanimé – détient l’inaltérabilité du primitif en mouvement »1.
Poursuivant cette pensée, je voudrais considérer, au-delà des formes
de l’art et de leur stylistique évoquées par Fédida, les états fossiles de
la vie vivante. Et parmi ces états, plus précisément, le geste, concrétion
subite où la vie humaine se suspend en un agir sans autre but
que de donner forme à ce qu’elle a d’indestructible. Le geste est traditionnellement
regardé comme ce qui couronne le mouvement en un
* publicado originalmente no numéro 156 da Revue Poésie, outono de 2016.
1 Pierre Fédida, Par où commence le corps humain ? Retour sur la régression, éditions
PUF, Paris, 2000, p. 49
La vie fossile
Hommage à Fernand Deligny*
Catherine Perret
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Catherine Perret
La vie fossile - Hommage à Fernand Deligny
Cadernos Deligny
volume I / número 1
fini qui le stylise et le signe. Je voudrais adopter ici la perspective inverse
: celle où le geste apparaît comme le noyau archaïque du mouvement,
le révélateur d’un tracer archaïque par où la vie humaine ne
cesse de se dupliquer, et de se propulser au-delà d’elle-même. Et de
là, esquisser une question. Si ce que nous appelons « geste » était le
fossile affleurant à la surface de nos comportements sédimentés par
l’usage et la norme pour y découvrir, toujours présent, actif, vivant,
en nous, l’ agir fossile de l’humain d’espèce, de l’humain vieux de
40 000 ans et qui, à en croire André Leroi-Gourhan, toujours pousse
l’Homme historique en avant de lui-même ? Cette question, je la formulerai
ici à partir des films, des cartes et des écrits de Fernand Deligny.
C’est en effet ce matériau, support et développement de son
travail avec les enfants autistes, qui m’a permis de la formuler2.

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Publicado

2018-01-12

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